2009/10/12

Google Books: la vision iconoclaste de l'utilisateur lambda

La toute récente tribune de Sergei Brin, fondateur de Google, dans le New-York Times est pour moi l'occasion de donner l'avis d'un utilisateur lambda du service Google Books.

C'est celle d'un "consommateur avide de culture" et d'informations: elle sera donc nécessairement perçue comme iconoclaste par les défenseurs des "producteurs de culture" qui combattent le géant de Mountain View par tous les moyens. Pour une brillante analyse et synthèse du point de vue de ces producteurs de culture, je vous conseille l'analyse d'Olivier: c'est détaillé et pointu, du lourd!

Mais, allons-y, du point de vue du candide:

"Avoir un accès efficace et exhaustif à toute l'information - sous toutes ses formes - disponible sur Terre" est mon idéal culturel.

C'est le dual évident de la mission que Google s'est affecté pour les 300 ans qui viennent. La numérisation des livres, la reconnaissance des textes et images qui y sont contenus, leur indexation pour venir ensuite les ajouter aux 1'000 milliards d'URLs qui existent déjà va donc pour moi dans le bon sens. Les 10 millions de livres déjà scannés par Google avec le concours des plus grandes librairies publiques sont un excellent dans cette direction.

En bon citoyen, je souhaite faire un accès "propre" à ces livres: il doit être correctement lucratif pour les auteurs et éditeurs de ces livres. Là aussi, Google me semble équitable selon les détails dans la FAQ du site Google Settlement:
  • il retire de son index les livres dont les propriétaires des droits se manifestent négativement
  • il restitue environ 2/3 des revenus publicitaires des revenus publicitaires générés lors des consultations en ligne aux ayant-droits. Il fait de plus amende honorable en payant un forfait rétro-actif pour les consultations antérieurs à l'accord en cours avec ces ayant-droits. Si les montants et taux de partage actuels ne sont pas équitables, laissons juste faire le temps pour que le curseur s'ajuste.
Mon accès à ces livres est d'ailleurs doublement propre puisque je génère nettement moins de CO2 via Google qu'avec ma voiture pour me rendre dans une bibliothèque

Donc, franchement, où est le problème?
  • Autour des livres du domaine public ? En les restituant gratuitement dans un format ouvert, Google ouvre lui-même la voie à des concurrents en leur évitant la lourde infrastructure de numérisation
  • Autour des livres "orphelins"? (sans ayant-droit connu mais encore protégés par droit d'auteur) Pour ceux-ci lesquels Google n'a personne avec qui partager. C'est 60% du patrimoine actuellement numérisé, donc une manne importante des fonds potentiellement générés: je suis sûr qu'en négociant encore un peu, Google pourrait finalement verser cet argent à une institution existante ou nouvelle qui pourvoirait à leur "bonne utilisation" dans un cadre culturel.
  • Autour du "prestige national de l'éducation culturelle": les pouvoirs publics et leur émanations comme la Bibliothèque ont débuté des initiatives similaires à celles de Google mais ont lamentablement échoué. Aigris et vexés, ils ne voient que les tribunaux au nom de "sauvegarde de la culture nationale" pour purger leur frustration car ils ne sont plus la source de l'éducation culturelle de leurs propres citoyens
  • autour de la victoire entrepreneuriale américaine sur le monde Internet qui se matérialise de plus en plus comme une hégémonie multiple: depuis le fameux flop Quaero, nous avons les signes très clairs de l'échec européen de ce domaine clef de la civilisation future.
  • autour de la protection de la sphère privée ? Google va maintenant savoir les livres que je consulte. C'est grave, Docteur ? il connaît de toute façon déjà toutes les pages que je consulte et pourquoi....
Ce dernier point est un leurre: il faut soit globaliser la question soit l'oublier pour les seuls livres. Sur les 2 premiers, je pense que les négociations à venir trouveront des solutions équitables.

Sur les 2 derniers points, je suis ok pour le tribunal comme moyen de freiner le leader trop hégémonique par ailleurs. Mais, franchement, si en parallèle, on ne se retrousse pas les manches pour le plagier dans tout ce qu'il fait de mieux sur le sujet avant de chercher à le dépasser alors toutes ces gesticulations et autres pantomimes juridiques ne servent à rien d'autres qu'à ce donner bonne conscience!....

Moi, d'un point de vue très égoiste (même si je peux comprendre le coup de colère des premiers concernés), pour lui assurer le meilleur avenir possible, je suis très heureux que mon fils ait désormais accès à travers Google Books à des millions et des millions de livres qui pourront à un moment l'aider dans ses études et sa vie à venir. Il n'aurait aucune chance de les découvrir sans pouvoir voyager aisément de l'une à l'autre aux quatre coins de la planète puisque 90% du patrimoine littéraire n'est plus disponible dans le commerce: maintenant, elles sont toutes à portée de clavier....

C'est de source américaine? Eh bien, tant pis: on s'en contentera en attendant de pouvoir faire un bon vieux cocorico patriotique !

En résumé, le monde est objectivement meilleur après Google Books (même si ces buts sont restent lucratifs) qu'avant pour le citoyen lambda que je suis alors pourquoi ne pas poursuivre sur cette voie? Les (pseudo-)menaces à long terme comme la ré-intermédiation intégrale de l'industrie du savoir et de l'information me laissent de marbre à ce moment.

Je ne suis pas googliophile ni atlantiste mais je crois à la théorie de la sélection selon Darwin. Mon souci actuel: ne pas" faire partie de la bonne espèce".....

PS: pour ne pas trop hérisser le poil aux anti-Google, je même pas parlé de l'action de préservation du patrimoine culturel mondial que l'on peut attribuer à Google Books comme le fait S. Brin dans son papier. Numériser les livres, c'est nom seulement les rendre accessibles mais c'est aussi les préserver en les mettant sous une forme imputrescible éternelle qui les préserve ainsi de leur inexorable destruction dans le temps (...sans même parler des incendies de bibliothèques comme ceux survenus à la bibliothèque d'Alexandrie)

Source: blog Media & Tech (par didier durand)

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